Voyager à moto fait partie des plaisirs qui font saliver d’avance à l’idée de ressentir et découvrir, mais aussi éprouver, rencontrer, goûter. Nous partons vers des terres rebelles de l’Occitanie cumuler ces sensations. Alors que diriez-vous d’une nouvelle tranche de vie ?
Au sud ouest de la France, entre le Massif Central et la chaine Pyrénéenne, la géographie semble hésiter entre reliefs et vallées, mais aussi entre climat océanique et méditerranéen. Des composantes naturelles qui offrent un décor à la fois riche et varié, protégé par des Parcs Naturels Régionaux comme celui des Grands Causses et celui du Haut Languedoc. Dans cette zone « frontalière » un petit relief, à la superficie contenue, exprime à lui seul ces contrastes : la Montagne Noire. Une région sauvage au carrefour de routes commerciales historiques mais également au cœur d’un territoire où était revendiquée « l’hérésie Cathare ». Les puissants seigneurs Languedociens, s’opposant à la papauté, jugée vile et cupide, défendaient la doctrine Cathare, sa spiritualité et son ascétisme avant d’être pourchassés par la puissante inquisition au tout début du XIII è siècle.
Des doux vallons, verts et sauvages, des Monts de Lacaune aux remparts historiques de Carcassonne, notre itinéraire nous permet de lier géographie et histoire. D’aborder la Montagne Noire par sa face nord, la plus abrupte, avant de dérouler ses belles routes sinueuses sur le versant sud, qui débouche sur des terres planes de vignobles. Nos détours nous conduirons vers des lacs de montagne aux bleus limpides puis des forêts sombres et peu fréquentées, mais aussi à des villages, convertis au catharisme, accrochés sur des pics rocheux quelques vestiges de châteaux Cathares ou encore des villes dont l’architecture raconte à elle seule les longues périodes historiques qu’elles ont traversé. Pour une belle tranche de plaisir à moto, je vous invite donc à suivre ces traces !
Le point de départ de cette balade se situe à Lacaune, une petite commune du Tarn entourée de monts du même nom qui culminent à 1200 m d’altitude. Cette zone à l’extrémité Sud du Massif Central, est connue pour ses ardoises (qui recouvrent des pans entiers de maisons) mais aussi pour ses brebis ou sa charcuterie. Terre de salaison, la charcuterie fait partie de l’identité de la ville (le jambon de Lacaune). Avant de partir vers le sud, une escapade au pic de Montalet (1259 m) permet d’avoir une vue d’ensemble sur ces monts de Lacaune. Pour les croyants du pays, ce pic fait figure de montagne sacrée. Le sommet y est d’ailleurs partagé entre lieu de pèlerinage (une statue de la vierge y est érigée depuis 1882), et …un terrain militaire !
C’est par la D 607, à travers des paysages de forêt, que nous partons vers La Salvetat-sur-Agout. Situé sur un éperon rocheux, la partie la plus ancienne de ce charmant village est entourée de remparts. Une facette plus moderne se trouve à l’usine d’embouteillage de l’eau minérale pétillante, située à proximité. Si les bienfaits de cette eau étaient déjà connus des pèlerins qui empruntaient les chemins de Compostelle au Moyen Âge, aujourd’hui les regards sont attirés par les grandes cuves d’inox qui reflètent les rayons du soleil. Si vous êtes intéressé, l’usine se visite. Mais pour un moment de détente, vous pouvez aussi faire halte au Lac de la Raviège. Alimenté par l’Agoût, ce lac artificiel est dû à la construction d’un barrage. Mis en eau en 1958, avec une superficie de 440 hectares, plage et base de loisirs y sont aménagées. Quelques chanceux y possèdent des propriétés privées, construites au bord de l’eau, que vous apercevrez en longeant les rives sud du lac. La région est surnommée le plateau des lacs, et ce n’est pas par hasard ! Un peu plus loin, en effet, le bleu du Lac des Saints-Peyres, tranche dans le vert des forêts qui l’entourent. Plus petit, mais plus ancien que celui de La Raviège, il est également le résultat de la construction d’un barrage.
Nous arrivons dans la vallée du Thoré qui sépare les monts de Lacaune de la Montagne Noire, dernière excroissance du Massif Central. C’est également la région naturelle qui abrite la ville de Mazamet. Jadis réputée pour son activité de délainage. Ce travail sur les peaux de moutons s’est complété par la mégisserie (le tannage des peaux), faisant de la ville le « centre mondial » du délainage. Une spécialité qui a assuré la prospérité de la commune jusqu’à la fin du XX è siècle. Sur les reliefs qui l’entourent, le village d’Hautpoul marque une histoire plus ancienne. Véritable citadelle, durant la croisade contre les albigeois, ce « nid d’hérétiques » est assiégé durant 4 jours avant d’en venir à bout. Nous sommes alors en 1212, le château est démantelé, les habitants s’installent dans la vallée et fondent Mazamet.
Mais Hautpoul est également la porte d’entrée pour accéder à la Montagne Noire et ses multiples chemins de randonnée. Avant de rouler vers des paysages de forêts, de landes ou de maquis, nous empruntons une route sinueuse qui nous conduit au lac de Montagnès, site naturel et base de loisirs à la fois. À 681 m d’altitude, ses eaux sont ouvertes à la baignade en Juillet et en Août. Nous conservons la D 118 vers le sud, puis empruntons la D101 vers Laprade. Après Font Bruno, une petite route forestière sur la gauche (attention la vitesse y est judicieusement limitée à 30 km/h !) permet d’entrer dans la forêt domaniale de la Montagne Noire. Feuillus et résineux s’y partagent la surface, mais la majeure partie est productrice de bois, comme l’attestent les nombreuses billes stockées sur les bords de route. Les distances sont faibles, mais ne vous attendez pas à croiser beaucoup de monde.
En ressortant de cette forêt, nous arrivons à Dourgne et ses ardoisières avant de rejoindre Sorèze (par la D 85). En bordure de la montagne, l’ambiance méridionale y est frappante. Dans les ruelles bordées de bâtisses anciennes à pans de bois émergent le musée Dom Robert, dont la particularité est de présenter des tapisseries contemporaines, et les vielles pierres de l’abbaye école. Une bâtisse remarquable par son architecture imposante et son histoire si particulière (abbaye, école royale militaire sous Louis XVI, monument historique, puis hôtel de luxe).
Poursuivons jusqu’à Revel. Située en Haute Garonne, le style des maisons rappelle les fermes du Lauragais (briques rouges et pierres). Mais la particularité de Revel, c’est la place centrale qui héberge un marché hebdomadaire autour de sa grande halle, depuis 1347 ! Sous les arcades tout autour de la place, les commerces et terrasses des bars attirent les passants toute la semaine. À la sortie de la ville, impossible de rater le lac de Saint-Ferréol. Créé suite à la construction d’un barrage en 1672, sa fonction était alors d’alimenter en eau le canal du Midi. Aujourd’hui, il sert également de base touristique avec plages et activités nautiques. En bordure de la retenue d’eau, une maison du canal en retrace l’historique.
En reprenant la D 629, nous roulons maintenant vers Saissac et son château, construit sur trois terrasses au sommet d’un promontoire rocheux. Au XII è siècle, le châtelain est Bertrand de Saissac, protecteur des troubadours, très tôt converti au catharisme. Raison pour laquelle celui-ci perd son château, tout au début de la croisade contre les Albigeois. Nous sommes dans le Cabardès, une région qui comprend le versant sud de la Montagne Noire, des sommets jusqu’au piémont en passant par une zone intermédiaire de pâturages et de cultures. C’est dans cette zone que nous allons évoluer, en roulant vers l’Est, en direction de La Tourette-Cabardès par la D 9 que nous conserverons jusqu’à Pradelles-Cabardès. La route est étroite, sinueuse et traverse des villages aussi beaux qu’isolés, accrochés sur le moindre relief. Une ambiance paisible qui tranche avec le pic de Nore où nous arrivons bientôt. En effet, au fur et à mesure que la route s’élève, les paysages se dénudent, la température baisse et la présence du vent prend de l’ampleur. Au sommet de la montagne, avec 1211 m, les chiffres restent modestes, mais l’ambiance reflète la haute montagne. Il fait froid et le vent glacé nous pousse à garder nos casques sur la tête ! L’émetteur de télévision perturbe l’ambiance sauvage des lieux, mais la vue s’étend jusqu’au pic enneigé du Canigou.
En redescendant, nous prenons la D 9 jusqu’au pic de Salettes, puis la D 620 jusqu’à Caunes-Minervois. Les doigts engourdis reprennent vie et le plaisir de rouler reprend le dessus, d’autant que la route (magnifique !) est une pure partie de plaisir. Mais bientôt, ce sont les vignobles du Minervois qui s’emparent du décor. Nous atteignons la plaine et faisons route vers le point final de cette balade : la cité de Carcassonne.
Après l’isolement de ces routes peu fréquentées, l’arrivée en ville, ses embouteillages et ses feux rouges, surprend quelque peu ! Pour visiter la plus grande forteresse d’Europe, l’idéal en journée est de garer sa moto et de redevenir piéton pour quelques heures. Une façon aussi de « redescendre » et « digérer » ces quelques jours en pays sauvage. Non ?