On n’avait pas vraiment de date précise pour terminer cette tranche en Amérique Centrale. Mais il faut bien admettre que suite à la vente des motos, ce voyage semblait sacrément engagé dans sa dernière ligne droite. Car il ne faut pas oublier que si nous aimons tout particulièrement voyager à moto ce n’est pas par hasard. Aussi, la perspective de poursuivre en bus et sac à dos (avec nos casques, nos outils, nos équipement de motos, etc.) ne nous enchantait pas vraiment. Alors nous nous sommes penchés sur les billets d’avion, avec pour objectif de trouver un scénario convenable. Et de ce point de vue, je dois bien avouer que notre imagination peut être parfois débordante… J’ai par exemple cherché des liaisons avec l’Asie (oui je sais, mais j’ai dit « débordante », pas intelligente!) et puis à force de chercher tout azimut quelque chose de marrant, nous sommes tombés sur des billets d’avion Los Angeles-Paris à 150 € !
Il y a juste un truc qu’on n’avait pas anticipé dans cette improvisation…
Quand on imagine la Californie, on pense à des gars bronzés qui vivent en tongues et en short, avec une planche de surf à proximité de la glacière et des bouteilles de coca. Non ? Autant dire que de ce point de vue, on s’est carrément ratés ! On a remis nos chaussures et nos jeans, j’ai même utilisé pour la première fois un pull que j’ai trainé pendant six mois sans jamais en avoir eu besoin. Bref, on a eu froid ! 18° le premier jour à San Diego et le lendemain, en roulant vers le Grand Canyon, notre escale nocturne s’est retrouvée sous la neige avec 1° au thermomètre. Et perdre 35° en deux jours, on n’était vraiment pas prêts ! Mais ne dit-on pas que « en avril ne te découvre pas d’un fil » et « en mai fait ce qu’il te plait » ? A cheval sur les deux mois et les deux dictons, nous avons donc réajusté nos plans en scrutant la météo et l’altitude des zones convoitées. Du coté de la « Death Valley » ou de Las Vegas ça devrait être mieux (ouf, nous y retrouvons 30° et même un peu plus !).
Il y a autre chose que nous n’avions pas imaginé. Les USA on les a tellement vu dans les films et les séries qu’on a l’impression de connaître. Ou du moins de s’éviter de vraies surprises. Et bien finalement, les USA c’est plus déroutant que l’Amérique Latine et je n’ai pas pu m’empêcher d’avoir une pensée pour la jeune maman vénézuélienne, en route vers les Etats-Unis depuis 4 ans. La terre promise est à la fois clinquante (les tours de la city, les belles voitures et les dollars qui changent de mains par paquet au moindre achat) et particulièrement cruelle. Les rues des grandes villes sont parsemées de personnes qui vivent dehors. Les plus pauvres dorment par terre, sur des cartons, et les moins pauvres des pauvres dans des caravanes hors d’âge ou des camping-car rafistolés avec des bâches et qui n’ont plus rien de « car » tellement leur immobilisme est flagrant. Certes, à la réflexion, rien de très étrange au pays du capitalisme assumé. Mais malgré tout, sur Hollywood Boulevard, nous avons croisé un clochard le cul à l’air à proximité directe de Porches et autres Ferrari sans que personne ne s’en émeuve…
La « réussite », l’argent et l’accès aux crédits ressemblent à un jeu bien admis par tout le monde. Et comme dans tout jeu, il y a des gagnants et des perdants. Alors je repense au Mexique que nous venons de quitter. Devant les magasins Oxxo, les plus pauvres ouvrent et tiennent la porte à ceux qui entrent et sortent. En échange, ils reçoivent des pièces qui, additionnées, permettent de s’offrir des tacos auprès de n’importe quel marchand de rue.
Alors lorsqu’un système global (même s’il est efficace) efface l’humanité entre les individus je me demande si on n’a pas perdu quelque chose ? Au final, vaut-il mieux être pauvre chez les riches ou chez les moins riches ?
Dans cet étrange pays, un peu comme pour les rapports humains (ou inhumains), les contrastes sont, de façon générale, particulièrement marqués. Et ils s’étendent à la géographie. De zéro à 30° en quelques centaines de km, d’autoroutes à six voies bien chargées autour de villes tentaculaires aux grandes lignes droites absolument vides dans des paysages dignes de western, ce pays est vraiment étrange ! Mais il faut bien reconnaître que du Grand Canyon à Death Valley, en passant par Monument Valley, le décor est simplement grandiose. Et pour emmagasiner de nouvelles « cartes postales », dans notre boite à souvenir, celles-ci claquent tout particulièrement !
Pour autant, de la même façon qu’on ne voyage pas pour faire des économies, on ne voyage pas non plus pour chercher une terre promise idéale. Mais, humblement, élargir le champ des possibles permet de ne pas avoir peur de l’autre. Et c’est déjà pas mal. Alors même si ce voyage se termine, je sais que le suivant est déjà dans nos têtes, même si je n’en connais pas la forme. Et ne pas savoir, c’est une sacrée liberté !