Les enfants aiment bien se salir dans la terre, c’est bien connu. S’ils peuvent y ajouter un pique nique et quelques jouets gras, histoire de diversifier les taches faites sur leurs vĂȘtements, et donner Ă  l’ensemble une image de trophĂ©e qui attesterait de l’authenticitĂ© des faits, c’est encore mieux.

Pour nous c’est un peu la mĂȘme chose. Mais puisque nous sommes (plus ou moins) adultes, nous devons nĂ©cessairement apporter une touche supplĂ©mentaire qui justifierait d’y cramer (un peu) du pognon, de sortir tous nos jouets de grands (motos plus ou moins tout terrain), des saucisses Ă  mettre dans le grand feu de bois, des cubis de pinard et des outils dont il n’est nul besoin de programmer des pannes pour les utiliser. Car s’il y a un point sur lequel tout le monde peut s’accorder avant de partir, c’est que nous pouvons oublier quelques accessoires, mais certainement pas les outils !

Bref, vaste mise en propos pour dire que nous avons « organisé » (je laisse aux participants le soin de juger si le mot semble appropriĂ©) une rando tout terrain au dĂ©part des terres aveyronnaises pour terminer en bord de mer, Ă  Banyuls/mer, sur la bien nommĂ©e CĂŽte Merveille (en vrai c’est « Vermeille » le nom de la cĂŽte).

Merci Belga pour ton montage qui déchire tout!

 

Quelques jours devant nous, du soleil, la maison de l’ami Floch comme point de dĂ©part, la maison de l’ami Julien comme point d’arrivĂ©e, des motos plus ou moins adaptĂ©es, selon l’ambition et le regard de chacun, une voiture d’assistance avec remorque (voilĂ  un point qui n’était pas si con), dont les plus mĂ©disants disaient qu’elle n’arriverait pas Ă  Banyuls, compte tenu de son Ă©tat esthĂ©tique (quelques trous de rouille) et de son Ăąge avancé 

MalgrĂ© tout, s’il y a un aspect qui Ă©tait bien organisĂ© c’était une trace toute prĂȘte enregistrĂ©e dans les Smartphones ou GPS. Normal direz-vous, c’est la seule chose que nous n’avons pas faite nous mĂȘme, mais qui nous avait Ă©tĂ© offerte par un vrai organisateur bien sympa (encore merci Ă  lui). Une quinzaine de potes d’ñge et sexes diffĂ©rents, une dizaine de motos d’ñge et genre diffĂ©rents avaient rĂ©pondus Ă  l’invitation. Ceux qui savent compter auront remarquĂ© que le nombre de participants est supĂ©rieur au nombre de motos. La raison est simple : les obstacles mĂ©caniques nous semblants trop faibles, certains avaient dĂ©cidĂ© de rouler en duo


Heu
voilĂ  pour rĂ©sumer le planning d’un week-end de l’ascension ordinaire.

Tout avait pourtant bien commencĂ©. Les routes de France Ă©taient vides, mais Ă©tant donnĂ© qu’il s’agissait du premier week-end long, doublĂ© des premiers jours de beau temps, c’était prĂ©visible. Deux heures et demi pour effectuer 100 km, ça peut paraĂźtre long, mais pour des prĂ©tendants « off road », la moyenne restait correcte.

Julien, arrivĂ© la veille, avait mĂȘme eu le temps de peaufiner les « settings » de sa 600 TT (en anglais ça fait plus spĂ©cialiste de tout terrain). Il avait mĂȘme pris le temps de la foutre par terre pour s’assurer de l’efficacitĂ© des protĂšges-leviers Enfin, tous conscients que l’alimentation des sportifs de hauts niveaux est essentielle Ă  la performance, nous sommes allĂ©s manger une cĂŽte de bƓuf de l’Aubrac, accompagnĂ©e de Marcillac.

Le lendemain, dĂšs l’aube, Ă  l’heure ou blanchit la campagne, le cafĂ© fumait dans les tasses pendant que les mieux rĂ©veillĂ©s y allaient dĂ©jĂ  de leurs commentaires plus ou moins amicaux sur leur voisin de nuit et les effets de la digestion sur la dite cĂŽte de bƓuf. AprĂšs un moment d’hĂ©sitation sur la nĂ©cessitĂ© d’ajouter une galerie sur la poubelle d’assistance ou la pertinence de la location d’un camion de dĂ©mĂ©nagement pour transporter les quelques effets personnels, dont chacun avait pris soin de veiller Ă  encombrement rĂ©duit, nous avons enfin pris le dĂ©part de ce qui ressemblait dĂ©jĂ  Ă  une grande vadrouille.

Heureux, les plus rapides filaient devant, malgrĂ© les conseils avisĂ©s d’un spĂ©cialiste du comportement motard, pendant que les plus malins se prĂ©paraient mentalement Ă  dĂ©chirer tout le monde dĂšs qu’ils poseraient leurs tĂ©tines sur la piste. C’était sans compter sur l’effet de surprise jetĂ© nĂ©gligemment par Julien en guise de test pour jauger le comportement de chacun, notamment en matiĂšre de patience… Dans le civil Julien est « presque-boss » d’une boite oĂč il doit prĂ©voir comment cramer des millions pour que cela en rapporte encore plus. Du coup, le comportement humain et ses effets, fait partie des composantes qu’il doit prendre en compte.

Bref, au km 18, sa brĂȘle est tombĂ©e en carafe. Ludo et sa « 50 DTR-refaite-Ă -neuf-par-son-pĂšre » avait Ă  peine eu le temps d’atteindre sa vitesse maxi (45 km/h), Didi, le-pilote-d’assistance-qui-pilote-sa-mĂšre, au volant de ma poubelle d’assistance (oui, dans un Ă©lan de gĂ©nĂ©rositĂ© mal mesurĂ©, ou d’inconscience, j ‘ai prĂȘtĂ© ma voiture hors-d’ñge Ă  un champion du monde de rallye qui s’ignore) avait Ă  peine eu le temps de passer la 5, Daniel/Mad max venait Ă  peine de retirer son pied/chicane mobile du mĂ©gaphone de sa MZ TT, qu’une bonne partie de la troupe se retrouvait Ă  l’arrĂȘt au bord de la route.

Floch, le grand manitou de la caisse Ă  outils, s’est jetĂ© sur la panne comme la misĂšre sur le monde, prĂȘt Ă  en dĂ©coudre. 30 secondes plus tard, le symptĂŽme est annoncé : plus d’allumage. Mais Didi suggĂ©rait lui, plutĂŽt un problĂšme d’arrivĂ©e d’essence. Le CDI (ça veut dire allumage Ă©lectronique) fait Ă  la main et roulĂ© sous ses aisselles la semaine prĂ©cĂ©dente a rapidement, mais injustement, Ă©tĂ© mis en cause. Ma propre 600 TT a fait quelques dons d’organes pour identifier la piĂšce dĂ©fectueuse, nous sommes retournĂ©s Ă  l’atelier mais rien n’y a fait (pourtant Didi avait bien suggĂ©rĂ© un problĂšme d’arrivĂ©e d’essence). Il a fallu nous rĂ©soudre Ă  remiser la moto dans sa grange et prendre une seconde voiture d’assistance Ă  la place !

Finalement, Ă  une heure ou quelques vieux briscards seraient dĂ©jĂ  Ă  l’heure de l’apĂ©ro, nous avons attaquĂ© nos premiĂšres pistes. Le groupe s’est alors scindĂ© en 3.

Il y avait ceux qui gardent le goudron : les dĂ©sormais 2 voitures d’assistance, la K75 du seul breton Ă  l’accent catalan connu dans ce monde et Marco le barde qui a dĂ©cidĂ© que dĂ©cidĂ©ment une BM (trail ou pas), ça ne doit pas rouler dans les chemins.

Ceux qui prennent les pistes, étaient également divisés en deux :

Une partie « gaz en grands » avec Kiko et sa Ducat hypermotard flambant neuve, le Niak et sa Katoche full TT, Belga le rider californien et Mad Max au guidon de sa MZ TT prĂ©parĂ©e. (C’est Ă  dire en pneus Ă  crampons, mĂ©gaphone, et sans huile de fourche pour cause de fuite d’un joint spy).

Enfin, les plus lents : Floch et Flochette sur la 500 XR, Ludo et 50 DTR-refaite-Ă -neuf-par-son-pĂšre, Fred sur sa 125 XLR dĂ©jĂ  sale des gaz d’échappements parisiens et moi-mĂȘme avec Tintin bricoleur en passager sur ma 600 TT.

TrÚs vite, nous nous sommes retrouvés dans des paysages « superbes, au spectacle sans cesse renouvelé, offerts par dame nature », mieux que dans Ushuaia Nature, mais sans hélicoptÚre. Le plateau du Larzac, à la place de la Mongolie, a laissé tout le monde sans voix.

De temps en temps, un appel de la rĂ©gie (les bitumeux) nous informait de la lenteur de notre progression et de l’ennui qui pouvait parfois en dĂ©couler pour la dite rĂ©gie, postĂ©e en attente de nous voir passer, dans un endroit oĂč le road book ne nous conduirait pas de toutes façons


Extrait :

-Question : « vous ĂȘtes oĂč » ?

-RĂ©ponse : « heu
au km 52 »

-Re-question : « nous on est à triffouililesoies, vous arrivez quand » ?

-Re-rĂ©ponse : «  . ? »

-Re-re-question : « oui, parce que ca fait 1h et demi qu’on ne bouge pas » ?

-Re-re-rĂ©ponse : « vous avez une carte, moi pas, et le tracĂ©. À vous de voir avec le kilomĂ©trage. Sinon, commencez Ă  chercher un bivouac, ou allez boire un coup. Non ? ».

On retiendra sur ce point la remarque du kiko : « ils se font peut-ĂȘtre chier, mais nous on kiffe grave » !

Effectivement, force Ă©tait de constater que les non-bitumeux, dans leur ensemble kiffaient grave. Bref, aprĂšs quelques salutations Ă  un charmant troupeau de randonneurs pĂ©destres, tout sourire en avant, quelques passages techniques oĂč les moins malhabiles aidaient les plus malhabiles, quelques autres paysages « qui dĂ©chirent », quelques autres passages « aye, aye, aye je vais m’y mettre », nous nous sommes tous retrouvĂ©s pour planter le bivouac.

Les enfants y ont inaugurĂ© les toilettes, les ronfleurs se sont Ă©loignĂ©s, et les londoniens (nous ne sommes pas sectaires et acceptons aussi les Ă©trangers) se sont dĂ©marquĂ©s en retirant la moitiĂ© du chargement de la voiture d’assistance. C’est-Ă -dire en retirant leurs valises Delsey pour en sortir leur matĂ©riel de camping !

Pendant ce temps Didi (« mais, tu sais pour la moto de Julien, c’était pas un problĂšme d’arrivĂ©e d’essence ? »), est allĂ© chercher du bois (Ă©valuĂ© Ă  522 stĂšres) pour tenter de mettre le feu Ă  l’ensemble du plateau du Larzac, et Ă©ventuellement de faire cuire les saucisses aveyronnaises. Le barde sortait sa guitare pour ambiancer la soirĂ©e, et les plus sĂ©rieux servaient l’apĂ©ro (avec l’aveyronnais jamais trĂšs loin de la source, en compagnie du breton-catalan, parce que on ne peut pas dĂ©conner avec tout). Londres Ă©tait en contact radio avec Agrid notre gentil ogre des PyrĂ©nĂ©es, qui devait nous rejoindre le lendemain en chevauchant son hippogriffe K100, bref la soirĂ©e s’annonçait cool.

Au matin, pendant que Julien et Sandy proposaient de filer directement à Banyuls préparer le BBQ du soir (on ne peut pas déconner avec tout. Bis), le reste de la troupe se préparait à bouffer à nouveau de la poussiÚre et des cailloux.

Belga, qui est connu de tous pour prendre un grand soin de sa moto, refaisait son niveau d’huile (1 litre), aprĂšs avoir refermĂ© son magasin de valises. Kiko se prĂ©voyait une journĂ©e difficile aprĂšs une soirĂ©e non moins difficile. Les autres ne faisaient pas les malins non plus.

Le tracĂ© de la journĂ©e nous rĂ©servait encore quelques belles pistes dans des paysages ahurissants : une ancienne voie de chemin de fer, bordĂ©e de d’arcades en pierres, un massif forestier plantĂ© sur relief (avec chemin en bordure de prĂ©cipice), avant de redescendre dans une plaine du cĂŽtĂ© des CorbiĂšres. Chemins escarpĂ©s, pistes de pierres, vignobles, lac et pour finir, le lit d’une riviĂšre qui semblait importĂ©e du Colorado. Dans cette riviĂšre encaissĂ©e et presque Ă  sec, terre et sable rouge sont bordĂ©s par des parois verticales et sans ombre oĂč nous avons eu chaud. Pas de vraie chute, et donc aucun bobo Ă  dĂ©plorer. Lorsque nous sortons des chemins, il reste environ 200 km pour atteindre Banyuls. Ce sera donc par la route pour finir. Il reste deux fois ce que nous avons parcouru en traces disponibles, et donc quelques belles escapades en prĂ©vision.

Heu
je ne sais pas pour vous, mais la prochaine fois j’en serai !

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