Routes secrètes riment souvent avec routes magiques. Rarement les plus courtes pour aller d’un point à un autre, elles offrent la contrepartie d’un plaisir garanti pour qui aime découvrir, et parfois s’égarer, dans un décor où la géographie naturelle reprend le dessus.
Pour échapper à des taxes ou des importations illicites, mais aussi parfois pour fuir l’oppression, les chemins de traverses sont sans doute aussi vieux que la création des états ! Des antiques voies romaines aux trafiquants « go-fast », ces routes jouent avec les voies naturelles et transfrontalières qui offrent des panoramas parfois surprenants mais toujours fascinants.
Pour une consommation personnelle ou pour alimenter un vrai trafic, il est ainsi de notoriété publique qu’aujourd’hui une part importante du tabac vendu à Toulouse provient des boutiques détaxées d’Andorre. En d’autres temps, la contrebande était un fait tellement intégré que les villes de la Cote Vermeille étaient surnommées les « républiques contrebandières » ! Mais durant la seconde guerre mondiale, ces « itinéraires bis » se sont aussi changés en chemins de la liberté pour se soustraire aux persécutions des nazis…
Des doux vallons du Lauragais, en périphérie de Toulouse, aux vignobles escarpés de Banyuls, sur les rivages Méditerranéens, en passant par la principauté d’Andorre et quelques magnifiques cols Pyrénéens, nous vous proposons de nous suivre sur ces routes historiques et majestueuses. Doux prétexte pour cette balade pyrénéenne, capable de ravir les amateurs de routes à sensations, mais aussi de paysages enchanteurs et de gastronomie riche en saveurs.
Pour débuter cette balade, nous avons choisi le pays Lauragais, dans la banlieue Toulousaine. Une région de vallées naturelles qui trace un couloir de l’Atlantique à la Méditerranée sur lequel de nombreuses voies de communications ont d’ailleurs été aménagées au cours de l’histoire (canal du midi, via Agrippa, autoroute A61, etc.). Le vent d’Autan y souffle régulièrement et, pour y faire face, les fermes et habitations s’étirent horizontalement d’Est en Ouest avec des pignons fermés. Des constructions aux murs de briques rouges, coiffées de tuiles canal qui offrent ainsi un ton ocre bien intégré dans les paysages vallonnés de ces terres agricoles. De Nailloux vers Mazères, en suivant la D11, c’est ce type de décor qui prédomine, mais avec tout au fond là bas, déjà la chaine Pyrénéenne.
Si Pamiers est connu pour son régiment de parachutistes, il existe également à proximité une église du Xème siècle, semi-rupestre (en partie construite dans une cavité de roche) située à Vals (D119 vers l’Est). Son intérêt réside bien sûr dans l’originalité de sa construction, mais aussi dans les belles fresques romanes qu’elle abrite. Un petit détour justifié.
À partir de là, c’est la N 20 et la rivière Ariège que nous longeons jusqu’à Foix. En déambulant dans les ruelles de la vieille ville, vous croiserez sans doute la halle aux grains du XIX ème siècle (style Baltard) à partir de laquelle, surplombant un relief, émerge le château de Foix (XI ème siècle). Jusqu’à Tarascon-sur-Ariège, si vous voulez échapper aux doubles voies de la N20, vous pouvez emprunter la petite et sinueuse D8 qui longe la rivière sur son bord ouest. Ensuite, en approchant d’Ax-les-Thermes, une station à la fois thermale et de sport d’hiver, la route nationale devient plus étroite, sinueuse et inclinée. Bref, plus sympa ! La ville se situe à un peu plus de 700 m d’altitude, mais la frontière avec la principauté d’Andorre est à peine à 30 km. Aussi, dans le paysage, les sommets dépassent les 2500 m, les contrastes de température entre zones d’ombre et zones ensoleillées sont flagrants : nous sommes bel et bien en montagne !
Après quelques beaux lacets, nous atteignons le poste de douane. Depuis la création de l’espace Schengen, nous avons perdu l’habitude de voir des douaniers aux frontières, mais ici, ils sont bien présents et arrêtent de façon aléatoire les voitures qui viennent du Pas de la Case. En effet, nombreux sont ceux qui viennent en Andorre uniquement pour profiter des prix avantageux, notamment sur l’alcool et le tabac (2,5 fois moins cher qu’en France). La contrebande y est donc importante et, en plus des classiques contrôles routiers, une brigade de douaniers est en charge de surveiller les chemins de randonneurs…
Mais pour nous autres, promeneurs à deux roues, le Pas de la Case n’est rien d’autre qu’un centre commercial géant et, si vous n’avez rien à y acheter, empressez-vous de filer vers la sortie car de magnifiques lacets, dans de non moins magnifiques paysages vous attendent ! En passant, impossible de rater les télésièges qui affichent la seconde activité majeure de la ville : le tourisme blanc.
Vous noterez également que les panneaux sont en Catalan, normal il s’agit de la langue officielle de ce tout petit pays. Si (comme nous) vous décidez de faire l’aller/retour vers la capitale Andorre la Vella, vous passerez par le plus haut col routier des Pyrénées : le Port d’Envilla, situé à 2409 m d’altitude. Les paysages et la route (vraiment très beaux) justifient l’escapade. Tant mieux car, hormis pour son site, la capitale n’a rien d’inoubliable !
En revenant coté français, les virages en épingles continuent puisque nous partons vers le col de Puymorens. Il existe un tunnel (à péage) pour l’éviter, mais bien entendu, à moto il serait dommage de s’en priver ! Les derniers km de la N 20 conduisent ensuite à Bourg Madame, qui marque la frontière avec l’Espagne.
Avec l’entrée en « Catalogne du Sud », l’altitude moyenne à chuté et en empruntant la N152, la quasi totalité du relief est recouvert de résineux. Si le plaisir des yeux est (là aussi) garanti, amateurs de trajectoires soignées et de prises d’angles restez attentifs car cette route est, vraiment, un pur moment de plaisir ! Nous y croiserons d’ailleurs quelques motards en cuir de piste sur des machines sportives…
En arrivant à Ripoll, ne ratez pas l’embranchement vers Sant Joan de las Abadesses par la C38. Nous sommes dorénavant dans la haute vallée du Ter, et le décor change. Les montagnes présentent des pentes plus douces, et les pâturages sont nombreux. Pourtant, nous roulons vers un nouveau col : le col d’Ares. Avec 1513 m, il marque à nouveau la frontière avec la France. De l’autre coté, la première ville est : Prats-de-Mollo-la-Preste. Les fortifications qui dominent la ville (le fort Lagarde) datent du XVII è siècle et font partie des œuvres de Vauban, pour surveiller la frontière toute proche.
Nous sommes désormais dans le Haut Vallespir, une région jadis riche de ses mines de fer, que nous traversons par la vallée du Tech, et la D115 qui suit ses méandres. Mais peu avant Arles-sur-Tech, nous repartons vers le sud par la D3, à travers des forêts de châtaigniers, de hêtres et de chênes, en traversant quelques petits villages bien isolés dans ces montagnes. Au détour d’un virage, un panneau nous indique que nous passons à nouveau coté Espagne. La mer Méditerranée est à moins de 50 km à vol d’oiseau, et la chaine Pyrénéenne perd doucement de l’altitude. Les reliefs de l’Alt Emporda, couverts de forêts, sont encore traversés par une belle route sinueuse mais peu à peu c’est une plaine qui apparaît, avec des oliviers puis de la vigne. C’est en effet cette activité agricole qui prédomine dans les villages que nous traversons plus loin (après avoir coupé l’autoroute A7) : San Clemente Sasebas, Espolla… Des villages sillonnés par des ruelles étroites qui offrent un peu d’ombre à ces maisons écrasées par le soleil.
À quelques encablures au nord, la chaine des Albères est le dernier relief avant d’atteindre le col de Banyuls-sur-Mer, et notre ultime passage de cette frontière avec laquelle nous jouons depuis quelques jours.
Arrivés au col, la mer est enfin en vue, mais aussi les vignobles bien connus de cette petite station balnéaire, qui était aussi la terre natale du sculpteur Aristide Maillol. Souvent boudée au bénéfice de Collioure, Banyuls a su rester agréable et authentique. La rebelle « république contrebandière » s’est sans doute assagie avec l’âge, sans pour autant vendre son âme au tourisme de masse. Alors pour conclure cette balade, et avant de gouter un vin local accompagné de charcuterie, que diriez-vous d’aller piquer une tête ?
bravo bravo pour ce reportage