La 500 XT est longtemps restée la monture de prédilection pour parcourir les routes du monde. Moto de voyageur, des anonymes de tout genre ont partagé des tranches de vie en sa compagnie. Alors pourquoi ce choix ?
Bien entendu, la fiabilité de cette machine bien construite est avérée et maintes fois prouvée. La réputation « d’increvable passe-partout » est largement répandue grâce aux rallyes africains. Mais l’autonomie d’une mécanique en matière de fiabilité reste toutefois limitée, et l’XT possède un moteur simple, un cas d’école. Sans être un as de la mécanique, il suffit d’être méticuleux pour en venir à bout. Or, au cours d’un voyage au long cours, nul ne peut miser sur le fait de n’avoir jamais à intervenir.
Il s’agit également d’une machine qui conserve une « échelle humaine ». Son gabarit comme son poids permettent au pilote de relever seul sa moto, la sortir d’un bourbier sans l’aide d’un tracteur, ou encore la charger sur une pirogue le cas échéant…
Enfin, si les performances sont modestes, ce n’est pas un critère essentiel aux yeux du voyageur, car « qui va piano va sano » !
XT
Deux lettres qui collent à Yamaha comme de la terre glaise sous les chaussures. X pour 4 temps et T pour trail. Soit un mélange de monocylindre, à la façon des vieilles motos anglaises, dans une partie-cycle apte à la route comme au tout terrain.
Une recette apparue il y a plus de trente ans avec la mythique 500 XT. Ce concept qui a fait fantasmer quelques générations de motards fait aujourd’hui figure d’AOC ! Un label en quelques sortes. La conception mécanique pouvait pourtant passer pour archaïque car, à sa sortie, le monocylindre était déjà passé de mode. Face aux espoirs de puissance et de technologie suscités par la 750 Honda « Four », il semblait difficile en effet de prédire un tel succès. Le boss de Yamaha France, Jean Claude Olivier, y croit. Et c’est à sa demande que seront importés en Mars 1976 les 500 premiers modèles, initialement destinés au marché américain (le type 1 E 6). Mais la même année (en Juillet), le premier modèle spécifiquement Européen, le type 1 N 5, voit le jour.
Simple de conception, sa construction n’en est pas pour autant bâclée. Le mono est refroidi par air et l’allumage se fait par rupteurs, mais l’ACT (comme le vilebrequin et les arbres de boite) est monté sur roulements. Le graissage par carter sec fait appel à une double pompe à huile et le cadre fait office de réservoir d’huile. Les métaux employés ne sont pas au rabais et les plans de joints sont bien finis. Pas de fuites à déplorer, facile à bricoler, ce moteur ne tombe pas en panne et la machine est fiable.
Parallèlement à la sortie de la 500 XT, ont lieu les premiers rallyes raid en Afrique (Côte d’Ivoire-côte d’azur, puis Paris-Dakar) et indéniablement le succès de la moto va de pair avec l’engouement qui gravite autour de ces épreuves. Lors du second « côte-côte » en 1976, la machine n’est disponible que depuis peu de temps, mais elle remporte la course. De plus, sur les 18 motos à l’arrivée, 10 sont des XT 500. C’est le début d’une longue carrière où XT devient synonyme de moto de baroudeurs.
Pourtant, et malgré un décompresseur commandé au guidon, le démarrage par kick en effraye quelques-uns. Quelques douloureux retours de kick et un caractère bien trempé contribuent à lui donner une réputation de « moto d’homme » !
Ce millésime de 1976 est facilement reconnaissable par l’échappement qui passe « sous le moteur ». Le modèle américain se distingue par des clignotants arrière rouges et l’extrémité du silencieux qui comporte un embout à rétrécissement. L’année suivante (modèle 1U6), l’échappement est rehaussé, le gros feu rouge est remplacé par un petit modèle type TY, un sabot en aluminium protège le moteur et un petit hublot apparaît en bout d’arbre à cames pour aider à, trouver le point mort haut. Manœuvre qui précède le démarrage. Mais malgré tout, le long des 13 années de production, les évolutions resteront minimes. En 1980, la géométrie change avec l’adoption d’une fourche à axe déportée, le réservoir est désormais en aluminium, les jantes dorées et le sabot en tôle noire. En 1986, le circuit électrique adopte enfin du 12 volts. La décoration de réservoir change chaque année jusqu’à 1981, puis à nouveau en 1986. Pour sa fin de carrière en 1989, une série spéciale arbore une déco particulièrement soignée (modèle SP), pour mettre un point final après 61 510 machines produites.
Pourtant avec 32 ch à 6500 tr/mn, pour 139 kg à sec, cette moto n’a rien d’un foudre, le freinage à tambour s’avère « juste », l’autonomie avec un réservoir de 8,5 litres est limitée et la vitesse (environ 140 km/h compteur) modeste. Face à ces performances datées, Yamaha veux réagir. D’autant que la concurrence ne s’est pas endormie sur ses lauriers. Honda sort une XLS 500 en 1978. Plus facile d’accès grâce à un allumage électronique, 4 soupapes, une tension de chaîne de distribution semi-automatique et un décompresseur automatique couplé au kick. Il est temps de réagir face à l’archaïsme d’une 500 XT, (même si l’affectif ne s’accommode pas nécessairement d’une fiche technique !).
Apparaît alors en 1981 la 550 XT. Esthétiquement très différente, un nouveau moteur est développé pour ce modèle qui se distingue par une suspension arrière de type cantilever. Les freins sont toujours à tambour, mais le bloc moteur adopte dorénavant 4 soupapes, balanciers d’équilibrages, carburateur double corps et allumage électronique. La puissance atteint 38 ch, mais cette 550 a une courte carrière (jusqu’en 1984). La même année, La BMW R 80 GS remporte le Paris Dakar.
Le célèbre rallye devenant une formidable vitrine médiatique, … Yamaha fait à nouveau évoluer son XT, pour devenir la première Ténéré en 1983 (le type 34 L). La dénomination, comme l’esthétique, ne laisse en effet aucun doute sur la référence faite aux rallyes africains. La partie-cycle est entièrement nouvelle et adopte un frein avant à disque, un mono-amortisseur, un réservoir de trente litres et même un radiateur d’huile. Le moteur en revanche est une évolution du 550, qui gagne en alésage et développe 43 cv.
Le succès commercial est au rendez-vous, mais il s’agit de faciliter l’accès à ces machines pour embrasser le plus vaste public possible. En 1986, la Ténéré (type 1VJ) adopte un démarreur électrique ! Par ailleurs le réservoir perd en contenance, car désormais le filtre à air passe sur la poutre centrale du cadre (sous le réservoir). Parallèlement à ces Ténéré d’aventuriers/voyageurs, des modèles XT sans réservoir à grosse contenance (ni radiateur d’huile) sont également commercialisés, il s’agit du type 43F (de même que des TT, allégés et mieux suspendus pour une orientation « enduro »).
En 1988, le modèle 2KF adopte un frein arrière à disque. De 1990 à 1997, le type 3TB se distingue par un frein avant à double piston, le sabot en alu est remplacé par une structure tubulaire et les jantes troquent l’alu pour de la tôle chromée… L’argument commercial abandonne les références aux rallyes qui ne sont plus à la mode. Assagie au fil des ans, le caractère trempé des XT laisse place à une image de machine à petit prix, simple et fiable.
La baroudeuse devient machine des villes, maniable et économique. Une moto de jeune permis ou d’outil pour aller au boulot… Le fantasme à pris une claque !
La 600 refroidie par air disparait du catalogue du constructeur en 2003. Les trails sont boudés et surtout, les normes anti-pollution sonnent le glas de cette mécanique désormais par trop archaïque.
Le moteur en 660 cc apparait lui dès 1991. Il équipe la XTZ Ténéré, qui adopte le refroidissement liquide et une culasse à 5 soupapes dans une machine à l’esthétique discutable. Après un petit temps mort, l’XT est de retour en 2004 avec le moteur de 660 cc à refroidissement liquide, mais avec 4 soupapes, injection électronique et pots catalytiques. Signe des temps, cette XT R est également déclinée en version supermotard (XT X).
2008, voit enfin la sortie de la petite dernière. Une Ténéré qui adopte une nouvelle partie-cycle, mais propose une extrapolation du moteur 660 construit par Minarelli (avec une injection modifiée). En 32 ans, l’évolution du concept, des technologies et des normes porte ses fruits. Objectivement cette dernière mouture de l’XT fait tout considérablement mieux que son ancêtre (aptitudes routières, au duo, freinage, éclairage, performances, confort, protection, …) en prenant au passage … 44 kg (à sec !).
Mais le caractère charmeur et unique de l’ancêtre a bel et bien disparu. Comme toujours, les qualités et défauts sont facilement identifiables et reproductibles. Mais c’est faire abstraction du charme, une donnée non-quantifiable et pourtant réelle à laquelle bon nombre d’entre nous sont pourtant prêts à succomber.