Entre les deux coule une rivière

Grottes, gouffres, avens, sites troglodytiques, difficile de sillonner cette région du sud-ouest, sans être confronté à ce vocabulaire révélateur d’une géologie et d’une géographie tourmentée. Car du bassin Aquitain au Massif Central, la Dordogne et le Lot nous font oublier les paysages plats et rectilignes, en nous conduisant par des vallées sinueuses creusées par les multiples cours d’eau. Décliné du blanc au noir (en passant par le vert ou le pourpre), le Périgord dévoile ses couleurs et leurs nuances. Ainsi, aux plateaux boisés succèdent des terres agricoles, témoins de cette activité économique majeure et de la forte identité de terroir qu’elle véhicule. Mais le sous-sol calcaire et la sècheresse des paysages reprennent le devant de la scène en poursuivant vers la vallée du Lot. Car le Haut Quercy se distingue par ses paysages secs et ses décors sauvages et rugueux, comme ceux des causses. Un sol dont l’aridité de surface ne présage en rien de l’activité aquatique souterraine. Pourtant les eaux d’infiltration ont au fil du temps creusés des cavités devenues grottes ou gouffres. Mais à l’ouest de Cahors, les méandres du Lot ont laissé un autre paysage. Les terrasses chargées d’alluvion en ont fait un territoire propice à la culture viticole. Aujourd’hui, ce vin de Cahors s’étend sur plus de 4000 hectares et accompagnera naturellement la générosité de vos assiettes. Car si un aspect culturel se détache de cet itinéraire, c’est à n’en pas douter, du côté de la richesse des tables qu’il émerge.

C’est donc guidés par les cours d’eau que nous partons découvrir les richesses de cette région. Un panorama de nos coups de cœurs qui, nous l’espérons vous séduira comme il nous a séduit. Alors bonne balade !

Notre itinéraire débute en plein cœur du Périgord Noir à Sarlat-la-Canéda. Entourée de collines boisées, cette ville historique a conservé ses quartiers médiévaux. Aussi, avant de prendre le large, une balade dans les vieux quartiers (ruelles pavées et maisons à pans de bois) s’impose. Quittons ensuite la ville vers l’ouest en direction des Eyzies. A moins de 10 km nous rejoignons les rives de la petite Beune que nous longeons jusqu’aux Eyzies où elle se jette dans la Vézère. Mais les amateurs de grottes ou de préhistoire n’auront pas à attendre l’arrivée dans cette « capitale de la préhistoire », car la grotte de Bernifal précède l’arrivée en ville. 110 gravures (datées entre – 16000 et – 13000 ans) y ornent les parois. Les historiens attribuent d’ailleurs la présence des premiers hommes dans la région du fait de ces grottes qui servaient d’abris. Ainsi les grottes des Eyzies et de Lascaux (distante de 30 km) abritaient des Homo sapiens sapiens il y a 35 000 ans. Mais pour l’heure, ce sont la falaise et ses constructions troglodytiques surplombant la cité, qui attirent tous les regards, …et ils sont nombreux aux beaux jours.

En quittant les Eyzies, nous longeons la Vézère jusqu’au Bugue. Cette ancienne localité est située à faible distance de la confluence entre Vézère et Dordogne. Dès lors, il suffira de suivre le fleuve qui donne son nom au département pour se laisser guider. Les canoës et les gabarres sont d’ailleurs nombreux à fréquenter ses eaux calmes. Arrivés à La Roque Gageac, la haute falaise et le fort troglodytique du XII è S surplombant la Dordogne sont remarquables, mais ne manquez pas de déambuler dans les ruelles médiévales de cette cité fortifiée. Vous y croiserez sans doutes des plantes exotiques, car les conditions climatiques particulièrement favorables ont encouragé l’élaboration d’un jardin botanique, surprenant mais bien intégré au décor.

En reprenant la route, la D703 devient D 804 en changeant de département. La vallée de la Dordogne devient désormais lotoise. Souillac, notre prochaine étape, marque en effet l’entrée dans le département du Lot. Dès lors nous obliquons vers le sud, avant d’emprunter une belle route sinueuse qui nous conduit à Rocamadour. Les gourmands connaissent nécessairement le petit fromage de chèvre éponyme, mais la ville tire sa renommée du nombre de miracles recensés dans un « livre des miracles de Notre Dame », paru en 1172 ! Le pèlerinage de Rocamadour étant alors le plus célèbre de toute la chrétienté. Quelles que soient les affinités avec ces croyances, la petite ville accrochée à flanc de falaise (150 m de haut !) est aujourd’hui un haut lieu du tourisme avec ses avatars modernes (parking pour autocars et boutiques de souvenirs). Cependant ne boudez votre plaisir, car le site est exceptionnel et mérite à lui seul le déplacement. Pour suivre ce relief particulièrement escarpé, la route offre quelques belles courbes de plaisir à moto. A la belle saison, la végétation qui pousse sur le fin manteau de terre exhale quelques belles odeurs qui préparent à ce qui nous attend sur le voisin causse de Gramat. Mais avant cela, faisons un détour par Collonges-la-Rouge à quelques dizaines de km au nord. Développé au VIII è s, la petite ville s’arpente uniquement à pieds. Le rouge de son nom et de ses constructions lui vient de gisements de grès pourpres voisins. Etape du pèlerinage de St jacques de Compostelle, l’église St Pierre (XI è s) est célèbre pour la sculpture réalisée sur son tympan.

En quittant ce village paisible, aux couleurs encore plus chaudes sous le soleil, nous roulons vers Padirac. Dans le paysage, rien (hormis la signalétique !) ne présage de la présence du célèbre gouffre. L’effondrement d’une voûte a ouvert cette cheminée monumentale à l’air libre. Un simple trou de 35 m de diamètre qui plonge à plus de 100 m dans les entrailles de la terre et conduit sur plus de 40 km de galeries souterraines ! (2,5 km sont ouverts au public). Par ses mensurations, le gouffre de Padirac rivalise avec les plus grands réseaux immergés au monde. Si une légende prétend que ce gouffre est l’œuvre du diable (pour défier St Martin)… des explorations menées dans les années 1984 et 1985 ont mis à jour des ossements et silex préhistoriques. Le gouffre se visite évidemment, des ascenseurs en facilitent l’accès.

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Entre le gouffre et la vallée du Lot, nous entrons dans le « parc naturel régional des causses du Quercy », en traversant le plus sauvage et le plus vaste : le causse de Gramat. Plateaux arides et canyons profonds s’y succèdent, alors que ça et là des murets de pierres sèches brisent le souffle du vent. Les sentiers qui le sillonnent ont été tracés par les pèlerins qui faisaient route vers Rocamadour. En traversant ce plateau calcaire découpé par les cours d’eau nous arrivons aux rives du Lot. De Vers à Cajarc, la D 662 suit ses méandres dans des paysages somptueux. St Cirq Lapopie, situé sur un promontoire de 80 m domine le Lot. Ce nid d’aigle est indéniablement une des plus belles escales de cette balade. Les ruelles étroites et pentues sont bordées de maisons à colombages (XIII ès), coiffées de tuiles brunes. En contrebas de la place principale, les pavés qui dament la ruelle sont tellement polis par les passages répétés au fil des siècles, qu’ils en deviennent glissants. Non loin de là, sur la rive nord du fleuve, des constructions troglodytiques émergent des hautes falaises, alors que des petits ponts suspendus semblent sortir d’un autre temps. A Cajarc, nous abandonnons le Lot pour rejoindre les rives du Célé et refermer une petite boucle jusqu’au confluent.

Nous repartons maintenant vers l’ouest et d’autres paysages puisque nous rejoignons Cahors et les vignobles. Au passage, impossible de rater le pont Valentré ! Puis, en conservant la rive sud du Lot, de Luzech à Puy l’Évèque, les boucles du fleuve sont resserrées. C’est le domaine des vignobles. Célèbre dès le Moyen Age, le Cahors reçoit une classification AOC en 1971. Quelques points de vues sur la route, permettent d’apprécier l’étendue que couvrent les vignes.

Pour refermer cet itinéraire, nous vous proposons une ultime pause à Monpazier. Une petite bastide qui présente toutes les caractéristiques de cette architecture médiévale : plan en quadrilatère, rues rectilignes coupées à angles droits, place carrée et halle couverte. Un mur de fortification en délimite l’étendue. Mais, en le franchissant, nous retrouverons bientôt les voies rapides et le retour à la maison… Allez, une dernière terrasse ?