À la fois toit de l’Europe, frontière naturelle et géo-politique, terre de légendes et d’aventure humaine, le Mont Blanc fait partie de ces lieux hors-normes, fascinants et sans doute aussi effrayants. Si son histoire se compte en millions d’années, à l’échelle humaine ce n’est que très récemment (1786) que la « montagne maudite » s’est laissée piétiner par des hommes. Or, il faudra attendre encore une bonne centaine d’années avant que le massif alpin ne devienne un lieu de villégiature. Notamment grâce au développement du réseau ferroviaire via la PLM (compagnie privée, ancêtre de la SNCF). En 1924, pour la première fois les Jeux Olympiques sont organisés à Chamonix, apportant une popularité aux sports d’hiver et au tourisme qui suivra… Mais l’aménagement du territoire passe également par le développement du réseau routier. Un désir et une technologie qu’illustrent le tunnel du Mont Blanc ou « l’autoroute blanche ». Malgré tout, parallèlement à ce transport efficace, le réseau secondaire s’enfonce dans les vallées, escalade les cols et laisse à ceux qui ne sont pas pressés la possibilité de mieux sentir la montagne. Et c’est tant mieux !

Car si pour certains, se déplacer se résume à quitter un endroit pour en atteindre un autre, pour d’autres ce n’est pas l’arrivée qui compte, mais la route en elle même. Or, la particularité de la moto c’est précisément cette capacité à procurer du plaisir pendant le trajet. Alors amis motards, oubliez les vitesses moyennes conventionnelles car, au départ de Chamonix, nous partons faire le tour du Mont Blanc. En passant par la Suisse et l’Italie, avant de refermer cette boucle, ce sont 350 km de routes où les lignes droites n’existent plus, où le plaisir des trajectoires alterne avec celui de savourer la beauté et la quiétude des paysages. Ce qui passe parfois par couper le moteur et juste contempler ! Bref, un espace où le temps reste suspendu pour, pourquoi pas, simplement écouter le tintement des cloches accrochées au cou des vaches…

Chamonix-Mont-Blanc est le point de départ de cette boucle. La ville est située au fond de la vallée du même nom, à plus de 1000 m d’altitude, et traversée par l’Arve (un des principaux cours d’eau de la Haute-Savoie). Dans le centre historique, le vaste secteur piétonnier qui longe la rivière est bordé de constructions de style Art Nouveau, emblématique du début du XXème siècle. Du centre-ville, il suffit de lever le nez pour contempler le toit des Alpes, situé à 4810 m d’altitude. Pour s’en approcher sans compétences particulière ni mise en place d’une expédition, un téléphérique permet d’effectuer l’ascension jusqu’à l’aiguille du midi à 3800 m d’altitude. Au passage, la cabine traverse la Vallée Blanche avant d’offrir une vue évidement imprenable sur l’ensemble de la vallée et du Mont Blanc.

 

Mais pour l’heure, tournons le dos au sommet pour nous diriger vers la frontière Suisse, située à moins de 20 km d’ici. Nous longeons l’Arve jusqu’à Argentière, puis poursuivons sur la D1506 en direction de Martigny. La route longe la vallée jusqu’au poste de douane puis suit une  vallée escarpée, celle du Trient, qui abrite le site des Gorges Noires (uniquement accessibles à pied), avant de devenir plus sinueuse en approchant le col de la Forclaz (1526 m d’altitude). Le décor est d’abord occupé par la forêt avant d’être remplacée par des vignobles à l’approche de la ville. Nous sommes dans le canton du Valais et c’est la région qui concentre la plus grande production viticole de Suisse. Située au fond de la vallée, à 500 m d’altitude, les lacets qui conduisent en ville sont en descente continue, …avant de reprendre de plus belle pour une pente inversée sur l’autre face de la vallée par une route bordée de résineux ! Ce n’est pas ici que nous allons bousculer la moyenne, car la route est tellement étroite et pentue que les épingles sont régulièrement négociées sur le premier rapport. En reprenant de l’altitude, le béton des constructions de la ville s’efface pour retrouver le bois des chalets. Malgré tout, durant ce court passage en Suisse, l’altitude reste raisonnable puisqu’elle oscille de 700 à 1400 m. Aussi les paysages sont d’abord boisés avant d’être occupés par des alpages. Mais l’ambiance paisible change du tout au tout en approchant du col du Grand-Saint-Bernard. Austère, dénudé, minéral et beaucoup plus froid ! Cette fois nous avons la sensation d’entrer dans la haute montagne. Des nuages bouchent l’horizon et à l’arrivée au col (à 2400 m), la température chute d’un coup pour afficher 4º !

Après une planche de charcuterie, fromage et d’un grand café, nous sommes prêts à reprendre les festivités en entamant une grande descente, côté Italien cette fois. La route est blanche (imprégnée de sel ou de gel ?) et calme de suite les éventuelles ardeurs des pilotes en mal de trajectoires soignées et de reposes-pieds qui frottent ! Nous roulons dans le val d’Aoste et pour rejoindre la première ville italienne, l’altitude passe de 2400 m à moins de 500 m … en 47 km ! La température augmente « à vue d’oeil », et en arrivant en ville, nous sommes surpris par les tenues légères que portent les italiens. Il fait beau en ce début septembre mais, selon l’heure de la journée et l’ensoleillement, nous changeons de gants et ajustons également le reste de l’équipement. Mais après la nature sauvage de l’altitude, l’arrivée en ville, ses avenues, son trafic et ses constructions bétonnées, n’est pas très plaisante.

Heureusement, le centre historique d’Aoste est plutôt sympa. Largement réservées aux piétons, les ruelles pavées y sont bordées de constructions dont l’architecture présente des traces des différentes périodes historiques qui s’y sont succédées : ruines romaines (mur d’enceinte, arc de triomphe), période médiévale (la Cathédrale), etc. pour arriver aux boutiques, aux bars et pizzerias très actuelles. D’un point de vue pratique, vous serez peut-être surpris par le bilinguisme généralisé des Aostois. En effet, considérée comme terre de contact entre la France et l’Italie, la vallée détient également un statut de région autonome dont le bilinguisme fait parti des composantes officielles. Il suffit de s’éloigner à peine du centre-ville pour retrouver des rues pentues et des sommets dans le fond du décor.

C’est ce que nous faisons en reprenant le route en direction de Courmayeur. C’est là que débouche le tunnel du Mont Blanc, après 11,7 km de galerie au départ de Chamonix-Mont-Blanc. Inauguré en 1965, le tunnel permait de désengorger les vallées du trafic routier, tout en autorisant le franchissement des Alpes quelle que soit la saison. Bien entendu, aucun intérêt pour nous car  nous poursuivons notre balade vers le col du Petit-Saint-Bernard.  Avec 2200 m d’altitude, il marque le retour sur le territoire français et, encore et toujours, des virages, des lacets et des paysages enchanteurs ! (ce serait dommage de s’en priver).

Moins escarpé que le Grand-Saint-Bernard, il s’agit d’un plateau d’altitude recouvert d’herbe verte qui marque la séparation entre la Tarentaise et le Val d’Aoste. L’unique construction sur le plateau est un hospice qui fait gîte d’étape, situé juste en bordure de la route, avant de descendre vers la commune de Séez. Route historique s’il en est puisque l’actuelle D1090 suit le tracé de l’ancienne voie romaine qui reliait Lyon à Turin. Or cette route est encore une belle partie de plaisir à moto ! Entre le village de La Rosière et Bourg-Saint-Maurice, les lacets s’enchainent et semblent ne jamais prendre fin. Un coup à gauche, un coup à droite, il suffit de regarder en contrebas pour constater que la danse va durer encore un peu…

Célèbre pour la station de ski des Arcs, la ville de Bourg-Saint-Maurice dispose d’un téléphérique qui permet d’acheminer les skieurs directement au pieds des pentes, tout en bénéficiant des facilités de la ville. Ainsi, commerces et bars longent la grande rue piétonne qui traverse un centre vivant toute l’année. Quittons l’agglomération par la D915 en reprenant de l’altitude direction de Beaufort. Nous retrouvons des paysages de nature sauvage, à nouveau traversés par une route sinueuse. Bordée d’arbres dans un premier temps, la végétation s’estompe progressivement pour laisser place à des paysages arides et dénudés, comme la vallée isolée qui abrite le village « Les Chapieux ». Un peu plus loin, à près de 2000 m d’altitude, nous passons le Cormet de Roselend, puis arrivons au lac du barrage du même nom. Intensément bleu et baigné de soleil, c’est l’endroit idéal pour une pause pique-nique, calme et silencieuse. Nous sommes dans le Beaufortain, célèbre pour son fromage, un AOC au lait de vache à la pâte pressée et cuite, qu’il est impossible de ne pas goûter !

 

Profitons encore un peu de la nature car bientôt nous mettrons le cap vers Megève. L’histoire de la ville est liée à la famille Rothschild, qui dans l’entre deux guerres, décide d’en faire un lieu de villégiature. Hôtels de luxe et parfum huppé s’en dégage toujours. Le centre-ville présente quelques constructions au charme suranné entre lesquelles apparaît en arrière-plan une magnifique vue sur le Mont-Blanc.

 

De la vallée de l’Arly à celle de l’Arve, nous traversons désormais un bassin un peu plus urbanisé pour refermer cette boucle par un retour vers Chamonix. En toile de fond se détache toujours le Mont-Blanc. Car tout au long de cet itinéraire, le toit des Alpes est resté à moins de 50 km à vol d’oiseau. Un moyen de parfois simplement l’apercevoir et quelques fois de constater son omniprésence pour le contempler sous différentes facettes. Mais peut-être également un moyen d’apprivoiser celle qui fut longtemps surnommée « la montagne maudite » ?

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L'itinéraire est disponible ici

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