« Dans la cosmogonie celte, le pouvoir d’un songe est aussi réel que la trace d’un pas. Et si l’océan et le granit ne sont pas des compagnons de tendresse, ils donnent à la lucidité sa véritable ampleur ». (H.Pratt).

« Il y avait une fois et une fois il n’y avait pas, et cette fois là il y avait quand même… ». C’est ainsi que débutent les contes dans le folklore breton. Or, les choses qui semblent mal définies génèrent parfois incertitude, et peut-être insatisfaction. Car la raison est faible pour appréhender les contours flous de l’imaginaire. Mais, nous partons en Finistère, un territoire qui sollicite l’âme vagabonde qui sommeille en chacun de nous. Car comme le disait Shakespeare : « La poésie est cette musique que tout homme porte en soi ». Aussi, partir vers la fin de la terre, finis terae, ou encore Penn ar Bed en breton (la pointe de l’univers), c’est accepter de mettre de côté son pragmatisme pour laisser parler errance, légendes et rêves. En effet, les vieilles légendes celtiques nourrissent la culture bretonne par laquelle il est doux de se laisser porter. Et en Finistère, le temps du rêve devient réel. Un chant aux sonorités enivrantes qui assure le lien entre Armor (pays de la mer) et Argoat (pays de la terre), à travers un décor lui-même enchanteur. Et si les terres rudes comme celle-ci ont la faculté de donner naissance à des hommes du même acabit, avares en mots inutiles, et la tête dure comme du granit, il suffit de faire escale dans une des nombreuses tavernes pour y être accueilli d’abord par une poignée de main. Ainsi, d’un univers légendaire est né une âme bretonne bien réelle et séduisante. Une « terre des hommes » qu’il est heureux de parcourir et que nous vous invitons à partager. Du pays des Abers, ces entailles dans la terre qui vivent au rythme des marées, aux rochers du bout du monde continuellement battus par la mer et recouverts de landes sauvage, en passant par les doux reliefs des Monts d’Arrée, laissons nous porter par le vent. Car pour découvrir cette terre de marin, il faut commencer par larguer les amarres et mettre le cap à l’Ouest !

Cette balade Armoricaine débute à Plouider, près de la côte nord du Finistère. Face à nous, la Grève de Goulven et la bien nommée côte des légendes. On prétend en effet qu’en des temps reculés, les habitants du pays « Pagan » (ouest de Brignognan) accrochaient des lanternes aux cornes des vaches à la nuit tombée pour attirer les navires à la côte. Les blocs de pierres, aux formes étranges, qui bordent la mer constituent, en effet, un terrain idéal pour ces naufrageurs supposés… Le hameau de Meneham abrite d’ailleurs une maison blottie entre deux rochers avec un toit de pierre. Elle était (au XVIII è s) affectée à la surveillance côtière. Une autre légende rapporte que les habitants avaient pour habitude de voler le bois du premier toit pour faire du feu.

Parmi ces pierres étranges, vous croiserez non loin de là, « la pierre du miracle » : le Menhir de Men Marz. Avec ses 8,50 m, il est un des plus haut de Bretagne et reconnaissable par la croix qui le surmonte. Cette dernière exprime le rejet du paganisme, mais n’explique pas le « miracle » qui le fait tenir debout. Car contrairement aux autres mégalithes, cette pierre est simplement posée…

Pour couper court à ces légendes, poursuivez vers l’ouest jusqu’au phare de l’île Vierge. Inauguré en 1902, avec ses 82,5 m, il est le plus haut d’Europe. Il est visible à plus de 50 km et balaie tous le nord du Finistère. Mais la région possède une autre spécificité : l’exploitation du goémon, l’algue marine. Une pratique jadis effectuée à pieds (à marée basse), dont la tradition est perpétuée grâce à quelques bateaux (les Goémoniers) qui prélèvent les algues (pour leurs propriétés chimiques) grâce à un bras articulé. Il reste d’ailleurs quelques fours à goémon du XIX è S disséminés le long de cette côte, dont on extrayait de la soude.

En roulant vers Lannilis, puis Landéda, nous contournons l’Aber Wrac’h, le plus grand sur cette côte des Abers. Quelques points de vue sur la route permettent d’admirer l’estuaire. Selon l’heure de la journée, le spectacle diffère. Car les Abers sont soumis aux régimes des marées et, selon le “remplissage”, ils prennent alors la configuration de fjords scandinaves. Mais cette entaille maritime, qui rentre sur plus de 30 km dans les terres, est également un plan d’eau apprécié des plaisanciers. Un port y est d’ailleurs aménagé.

En contournant le voisin Aber Benoit, nous faisons désormais route vers Portsall. Rendu tristement célèbre suite au naufrage de l’Amoco Cadiz en 1978. Le super tanker qui transportait 227 000 T de pétrole brut s’est échoué suite à une avarie, provoquant une immense marée noire. Sa gigantesque ancre y est exposée en bord de mer.

Pour suivre les contours hachés de la côte, nous partons vers l’est contourner Brest et sa rade, jusqu’à Landerneau. Une ville située au fond de l’estuaire d’Elorn et qui marque la limite entre les pays de Léon et de Cornouaille. Puis, à moins de 40 km, nous marquons une pause à Morlaix. Son centre historique est situé au fond d’un dénivelé qui est traversé par un viaduc ferroviaire du XIX è s. Aux pieds de cet ouvrage d’art de près de 300 m, le port de plaisance et les vieilles bâtisses à colombage et toit en ardoise, attirent les regards du voyageur.

Mais nous partons bientôt vers une autre facette de la Bretagne, qui justifie son nom de massif Armoricain : les Monts d’Arrée. Alors cap au sud vers Huelgoat. Boisée et peu peuplée, pour la première fois depuis le début de nos pérégrinations, la région semble éloignée de la mer. Avec 380 m de haut, la montagne St Michel est le point culminant des monts d’Arrée. Si les chiffres sont modestes, les paysages n’en sont pas moins convaincants. Particulièrement dénudé, le sommet de ce relief abrite une petite chapelle austère. Ce point qui était autrefois un sanctuaire celte offre une magnifique vue sur toute la région. Une géographie verte qui se prolonge jusqu’à la presqu’ile de Crozon, que nous abordons après avoir franchi le pont suspendu de Térénez, un tout nouveau pont à haubanage qui jouxte le pont historique. Sur la carte, la presqu’ile a une forme de croix. Orientée d’est en ouest, le point d’accès est situé au pied de cette croix. Une branche plonge au nord dans la rade de Brest laissant un accès maritime par le fameux « goulet de Brest ». L’autre branche plonge la Pointe de la Chèvre vers le sud, le sommet, enfin, s’étend vers l’ouest à la pointe de Penn Hir, à quelques km de Camaret-sur-Mer. A la croisée des chemins, se trouvent Crozon (la ville), et Morgat (le port de plaisance). N’hésitez pas à parcourir chacune de ces routes qui hérissent la presqu’ile. De caps en baies, et de pointes en anses, les paysages y sont fantastiques. Pour une halte « technique », Camaret offre quelques tavernes en bordure du port.

Pour profiter d’une vue aérienne sur la région, ne manquez pas de monter au sommet du Menez Hom (330 m) car nous partons ensuite pour Douarnenez. Mais avant d’arriver en ville, la plage de St Anne la Palud vaut bien le petit détour. Son immensité est encore plus saisissante à marée basse. Le port de pêche de Douarnenez est longtemps resté le poumon économique de la ville ; celle-ci abrite d’ailleurs la plus ancienne conserverie de France. Puis en longeant la côte, pointes et phares se succèdent jusqu’à la Pointe du Van, couverte de lande sauvage. De là, la vue est magnifique sur la pointe du Raz. Le mythe du bout du monde que véhicule ce site semble bien justifié car cet espace protégé est resté très sauvage et il est difficile de rester insensible à la magie qui s’en dégage.

En longeant dorénavant la côte sud du Finistère, nous roulons vers Loctudy en plein pays Bigoudin. Son emblématique phare de La Perdrix (à damiers noir et blanc) marque le chenal d’accès au port. De là (mais aussi de Bénodet) partent les bateaux qui font la navette avec l’archipel des Glénan.

Mais bientôt ce sont les remparts de Concarneau qui nous accueillent. La ville close constitue le cœur historique, mais la cité s’est étendue avec le temps. Son activité reste centrée autour de l’important port de pêche (chantier naval, criée, services, etc.), d’où les chalutiers partent pour, parfois, de longues campagnes. Avant de conclure cette boucle en Finistère, nous partons explorer un petit territoire qui s’étend comme une toile d’araignée autour de Névez. De la Pointe de Trévignon à Port Manec’h, partez à la recherche des Pierres debout. Utilisées au XVIII è S pour clôturer les champs, ces pierres plates rectangulaires, posées debout ont également intégré les murs de certaines Chaumières (une « espèce endémique » de la région !). Nous avons eu un coup de cœur pour Kerdruc, un petit port qui borde l’Aven. Enfin, avant de franchir la Laïta, qui marque la limite du département, allez déguster quelques huitres à Riec sur Belon et profiter encore un peu de la magie de ce territoire du bout du monde au petit port de Doelan, dont tous les êtres normalement constitués ne peuvent que tomber amoureux !

Show Buttons
Hide Buttons